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Histoire
de la logique · Les
axiomes stoïciens · Une
combinatoire universelle · Logique
mathématique et logique formelle · Logique
modale et logique intuitionniste Les
applications de la logique · Logique
et raisonnement correct · Les
logiques déontique et épistémique · Logique
et réalité
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Un raisonnement est une
activité de la pensée qui à partir de certains états de connaissance pris
comme prémisses ou hypothèses permet d'arriver à un autre état de
connaissance obtenu dans la conclusion du raisonnement. Depuis Aristote,
la logique s'est constituée lentement dans le cadre de la réflexion
philosophique; ce n'est qu'à partir de la fin du
XXe siècle qu'elle est devenue symbolique et mathématique.
Les développements récents de l'intelligence artificielle ont remis la
logique au premier plan de la recherche et ont réactualisé certaines
questions philosophiques qui lui sont liées. |
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Histoire de la logique
La logique commence avec l'Organon d'Aristote, au
IVe siècle av. J.-C. C'est sous ce terme, qui
signifie «instrument», que ses disciples rassemblaient ses écrits logiques
(les Catégories, Premiers et Seconds Analytiques, Topiques, De
l'interprétation, Réfutation des sophistes). Aristote s'est d'abord
intéressé à la manière rationnelle d'argumenter: à son époque fleurissait
en effet la dialectique, art de la discussion publique. |
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Aristote a notamment inventé le syllogisme et préconisé l'utilisation
de variables permettant la substitution d'une expression ou d'une
proposition concrète dans un schéma formel abstrait, par exemple, «A est
prédiqué de B», dans lequel A et B jouent le rôle de variables. Le
prédicat, pour Aristote, est ce que l'on affirme d'un sujet ou ce qui lui
est attribué dans une proposition (ainsi dans la proposition «les
politiciens sont des démagogues», «démagogues» est un prédicat). |
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Les axiomes stoïciens
L'école stoïcienne représente la seconde étape de l'histoire de la
logique. Elle prolonge l'école de Mégare, dont un membre, Eubulide
(seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.), a
énoncé le célèbre paradoxe du menteur: «Affirmer que ce que l'on est en
train de dire est faux, est-ce vrai?» D'autres, Diodore Cronos (mort
en 296 av. J.-C.) et Philon
(IVe-IIIe siècle av. J.-C.), ouvrent
un débat qui est loin d'être clos sur la nature des conditionnels. Philon
définissait l'implication matérielle comme une implication vraie dans tous
les cas, sauf si des prémisses vraies entraînent une conséquence fausse.
Cette définition est paradoxale. Diodore propose d'échapper au paradoxe en
introduisant une modalité, et il définit l'implication stricte: «si A,
alors B» veut dire qu'il est impossible qu'on ait en même temps A et
non-B. |
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La logique stoïcienne, représentée par Chrysippe
(281-205 av. J.-C.), admettait cinq indémontrables, ce qu'on
pourrait appeler des axiomes. Ce sont des schémas d'inférences valides
(c'est-à-dire dont la valeur vient de ce qu'une assertion découle d'une
précédente totalement et uniquement à travers le système de règles posé).
Par exemple, si A implique B et qu'on a A, alors on peut conclure
B. |
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Une combinatoire universelle
À l'époque classique, la logique est supplantée par la dialectique et
par la recherche d'une méthode. Dans le Discours de
la méthode , Descartes propose comme première règle de ne
reconnaître comme vrai que ce qui se présente si clairement et si
distinctement à l'esprit qu'on ne puisse le mettre en doute. Ce sont des
évidences garanties par l'intuition de l'esprit dirigé par la raison plus
que par la déduction. Avec Arnauld et Nicole, auteurs de la Logique ou
l'Art de penser (1662), la logique dite de Port-Royal analyse les
quatre opérations principales de l'esprit: la formation des concepts, le
jugement, le raisonnement, la validité des syllogismes. Elle ajoute à une
intégration de la pensée de Bacon et de Descartes au système
aristotélicien une réflexion sur le langage, théorisée dans la
Grammaire générale et raisonnée (1660) d'Arnauld et
Lancelot. |
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Mais c'est avec Leibniz que la logique moderne
commence véritablement. Le philosophe allemand voulait fonder un langage
artificiel universel basé sur un alphabet de la pensée qui représenterait
les choses de manière logique et qui permettrait de raisonner avec la
rigueur du calcul (De arte combinatoria, 1666). Ce langage
universel devait être à l'image de l'algèbre, constitué de symboles et
d'opérations pour manipuler ces symboles.
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Logique mathématique et logique formelle
Avec George Boole, auteur de l'Analyse
mathématique de la logique (1847) et des Recherches sur les lois de
la pensée (1854), l'analyse de la logique s'appuie sur l'analogie
entre les opérations logiques (et, ou, non) et mathématiques
(intersection, union, complément). Se développe ainsi la logique
mathématique suivie de la logique moderne proprement dite avec Gottlob
Frege, qui développa la première formalisation complète du calcul
propositionnel. |
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Outre la logique mathématique, qui devait trouver
un essor particulier avec Bertrand Russell, une autre forme de logique est
la logique formelle, qui étudie la validité des arguments et les
conditions sous lesquelles une conclusion peut être inférée de manière
valide à partir de prémisses.
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Logique modale et logique intuitionniste
La logique classique semble valider de nombreuses déductions qui vont à
l'encontre de l'intuition. En outre, elle ne rend pas compte de tous les
types de raisonnements. Ces problèmes ont conduit à l'élaboration de
logiques non classiques qui étendent la logique classique ou se proposent
comme logiques de rechange. |
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Les logiques modales ajoutent aux opérateurs classiques des
opérateurs modaux de nécessité (‹) et de
possibilité (›) qui portent sur les
formules et propositions: ‹p se lit «il
est nécessaire que p»; ›p se lit
«il est possible que p». On peut les définir l'un par l'autre:
‹p = Ï›Ïp, «il n'est pas
possible qu'une proposition nécessaire soit fausse», et ›p = Ï‹Ïp, «une proposition
possible n'est pas nécessairement fausse». |
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La logique intuitionniste est une des logiques de rechange de la
logique classique. Elle a la même syntaxe, mais les connecteurs ne sont
pas interdéfinissables. En effet, l'interprétation de la négation et celle
de l'implication sont différentes. Dans la logique classique, la loi du
tiers exclu et celle de la double négation sont valides. Il n'en est plus
de même dans l'intuitionnisme. En effet, selon la philosophie
intuitionniste, on ne peut admettre p ‰Ïp que dans le cas
fini, celui où il est possible de vérifier effectivement et de construire
p ou Ïp. Dans le cas infini, cette
vérification n'est pas possible. D'autre part, classiquement, la double
négation est équivalente à l'affirmation, ÏÏp = p. Du point de vue intuitionniste, la
négation de Ïp n'est pas équivalente à
p. |
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Parmi d'autres logiques non classiques, les logiques
multivalentes ajoutent plusieurs valeurs de vérité à côté du vrai et
du faux. Les logiques relevantes rejettent l'interprétation
classique du connecteur d'implication. Comme le montre sa table de vérité,
celui-ci est paradoxal: l'implication matérielle permet de déduire
n'importe quelle conclusion d'une prémisse fausse. En imposant une
relation de signification entre l'antécédent et le conséquent,
l'implication relevante évite les paradoxes. |
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Les applications de la logique
Un argument est valide déductivement si de prémisses vraies on tire une
conclusion vraie. Sinon l'argument n'est pas valide, il est fallacieux.
Dans les Topiques, Aristote énonce les règles à suivre pour mener
la discussion au moyen d'arguments valides. Dans l'appendice, il énonce
des règles qui permettent de reconnaître les arguments invalides et
fallacieux. |
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Logique et raisonnement correct
Un premier type d'erreur de raisonnement consiste à appliquer une règle
générale à un cas particulier, alors que celui-ci rend la règle
inapplicable. L'erreur inverse consiste à passer d'un cas particulier à
une règle générale. |
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Un autre type d'erreur, quand il ne s'agit pas d'un argument non
sequitur (dans lequel il n'y a pas de rapport entre les prémisses et
la conclusion), consiste à tirer une conclusion non pertinente par rapport
aux prémisses, par exemple quand la conclusion change l'objet dont il est
question dans les prémisses de l'argument. Différentes formes d'arguments
illustrent ce type d'erreur: l'argument ad hominem, dans lequel la
prémisse s'attaque à la personne qui soutient une thèse plutôt que de
montrer que celle-ci est fausse; l'argument ad populum, qui
s'appuie sur les comportements populaires plutôt que sur une argumentation
logique; l'argument ad misericordiam, auquel a recours par exemple
un avocat quand, dans l'impossibilité de prouver l'innocence de son
client, il tente de le rendre sympathique; l'argument ad
verecundiam, qui tente de faire accepter la conclusion sur la base de
l'autorité de certaines personnes; l'argument ad ignorantiam, qui
soutient que les choses sont telles puisqu'on n'a pas prouvé le contraire;
finalement, l'argument ad baculum, qui repose sur la possibilité de
recourir à la force pour imposer une conclusion. |
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D'autres types d'erreurs sont constitués par la pétition de
principe, qui présuppose la conclusion à démontrer dans les prémisses;
le cercle vicieux, dans lequel l'argument part d'une prémisse pour
y revenir sans avoir rien prouvé; l'erreur qui consiste à prendre une
suite temporelle pour une suite causale; la reductio ad absurdum,
selon laquelle les prémisses qui permettent de déduire une conclusion
fausse doivent être fausses. |
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Les logiques déontique et épistémique
La logique déontique traite de ce qui est permis, interdit ou
obligatoire, mais, à la différence de l'éthique, sans porter de jugements
de valeurs. Fondée sur la logique modale, elle interprète ses opérateurs
en termes déontiques: «il est nécessaire» est interprété par «il faut»,
«il est possible» devient «il est permis», et elle utilise un opérateur
d'obligation, O. Par exemple, Op, qui signifie «p est
obligatoire», s'interprète à la manière de l'opérateur modal de nécessité.
En s'appuyant sur la logique modale, cette logique doit tenir compte de
restrictions importantes: par exemple, si tout ce qui est nécessaire est
vrai (‹p ƒ
p), il n'est pas certain que tout ce qui est obligatoire est
actualisé. |
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La logique épistémique concerne la croyance et la connaissance,
c'est-à-dire les relations entre un sujet x et l'ensemble de ses
croyances Bx: par exemple, p Õ
Bx s'interprète par «x croit que p». Parmi les
axiomes de cette logique, on retiendra certaines conditions de
consistance: «si x croit que p alors x ne croit pas
que non-p» et d'inférence: «si x croit que p, et si
q est une conséquence logique de p, alors x croit que
q». En ce qui concerne la connaissance, on considère la relation
entre un sujet x et l'ensemble de ses connaissances, et on étudie
la relation p Õ Kx, «x sait
que p». |
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Les développements de l'intelligence artificielle ont permis de
développer ces logiques, d'en inventer d'autres et de revitaliser des
systèmes moins connus. |
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Logique et réalité
Du point de vue de la logique classique, le raisonnement formalisé est
infaillible, correct, statique. Cependant, dans la réalité, nous ne
disposons que d'une information partielle et incomplète sur un monde qui
change. |
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La logique classique est monotone
Les conclusions tirées d'un raisonnement incertain doivent donc pouvoir
être rétractées si les prémisses qui les ont amenées ne sont plus
vérifiées par les faits ou si une information nouvelle n'autorise pas la
même déduction. Le raisonnement est donc révisable et la logique doit en
rendre compte. La logique classique est monotone; l'ensemble de ses
théorèmes augmente quand l'ensemble des axiomes augmente. Pour formaliser
le raisonnement révisable, la logique doit être non monotone, c'est-à-dire
que le nombre de théorèmes qu'elle permet de dériver doit pouvoir
décroître quand le nombre d'axiomes augmente. Il faut donc définir une
autre relation d'inférence. |
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Les logiques non monotones
Différents systèmes qui permettent de rendre compte en partie du
raisonnement correct ont été proposés. La logique des défauts
utilise des règles d'inférence propres au domaine considéré; le
raisonnement s'effectue «par défaut», au sens où les conclusions sont
tirées de prémisses consistantes avec les croyances. Les logiques non
monotones se fondent sur les logiques modales indépendamment du
domaine d'application, mais introduisent des règles d'inférence non
monotones propres à ce domaine d'application. La logique
autoépistémique formalise le raisonnement introspectif d'un agent
rationnel qui raisonne sur ses croyances et ses connaissances. La
circonscription consiste à déterminer une propriété dans un
ensemble de connaissances et à limiter la vérification de cette propriété
à ce domaine. |
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Enfin, les logiques floues, fondées sur une théorie des
ensembles flous, permettent de traiter logiquement le raisonnement et la
connaissance approximative. Ces logiques s'occupent des prédicats vagues,
qui donnent aux propositions des degrés variés de vérité, plutôt que des
propositions à contenu imprécis soumises à des prédicats clairs et
précis. |
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