Session
1 : Gestion des connaissances : introduction
1-
Enjeux
sociétaux : vers une économie de la connaissance
?
[En
grande partie tiré de "Vers
une économie de la connaissance ? par Jean-Pierre
Archambault"]
C'est en 2000, à Lisbonne
que le conseil européen lançait le
défi d'une économie de la connaissance. Le texte
de la présidence était introduit par :
"Le
nouveau défi
1.
L’Union européenne se trouve face à un
formidable bouleversement induit par la mondialisation et par les
défis inhérents à une nouvelle
économie fondée sur la connaissance. Ces
changements touchent tous les aspects de la vie de chacun et appellent
une transformation radicale de l’économie
européenne. L’Union doit aborder ces changements
d'une manière conforme à ses valeurs et
à sa conception de la société et dans
la perspective du prochain élargissement.
2.
Compte tenu de la rapidité et de
l’accélération du changement,
l’Union doit agir dès maintenant pour tirer
pleinement parti des possibilités qui se créent.
Il faut donc qu’elle se fixe un objectif
stratégique clair et qu’elle adopte un programme
ambitieux en vue de mettre en place les infrastructures
nécessaires à la diffusion des connaissances, de
renforcer l’innovation et la réforme
économique, et de moderniser les systèmes de
sécurité sociale et
d’éducation.
"
On trouve dans ces objectifs stratégiques les ressorts de
l'économie de la connaissance à
l'échelle d'un continent et de son organisation, comme on
peut le trouver à l'échelle d'une entreprise et
de ses structures.
Dans
son rapport sur « La
France dans l'économie
du savoir » le Commissariat Général au
Plan indique qu'« à l'échelle de
l'entreprise, il est de plus en plus clair que l'avantage
compétitif repose avant tout sur les compétences
de ses ressources humaines et la capacité à se
doter d'une organisation apprenante, qu'il a pour principal ressort la
dynamique du savoir et des compétences, qu'il suppose le
partage des savoirs » [Commissariat
Général au Plan, La France dans
l'économie du savoir : pour une dynamique collective, La
Documentation Française, 2003].
En
effet, la part de
l'immatériel, du travail intellectuel et de la
recherche-développement dans les processus de
création des richesses et dans les richesses
elles-mêmes ne cesse de croître. Le changement est
dans la quantité des savoirs produits, la
complexité des produits fabriqués et
l'organisation des acteurs dans la dynamique de la production des
connaissances. Les TIC ont contribué à
accélérer cette tendance dans les vingt
dernières années. Cela vaut pour tous les
secteurs économiques, qu'ils produisent des biens
industriels classiques, des services ou de la connaissance. Le
consensus se fait pour dire que nous sommes entrés dans
l'économie de la connaissance.
Trois approches
complémentaires caractérisent
l'économie de la connaissance.
- Une
première met
l'accent sur l'innovation, l'accélération du
rythme des innovations, la capacité à innover qui
suppose réactivité et qualité.
- Une
deuxième souligne le caractère collectivement
distribué du mode de production de la connaissance, dont le
rôle s'accroît sans cesse. Les entreprises se
doivent d'être apprenantes, dans un
décloisonnement recherche-production, et une mise en
relation avec les partenaires extérieurs, une mise en
réseau de l'entreprise qui devient entreprise
étendue. La gestion et le développement des
connaissances deviennent de plus en plus des objectifs en soi. Il faut
capitaliser les connaissances. D'abord
repérer les connaissances cruciales. Puis les
préserver, c'est à dire les modéliser,
les formaliser et les conserver. Ensuite les valoriser au service du
développement de l'entreprise, en les rendant accessibles
selon des règles de confidentialité, les
diffuser, les exploiter, les combiner, en créer de
nouvelles. Il faut bien entendu les actualiser. On parle de Knowledge
Management. Tout projet de ce type nécessite la construction
d'un système d'information stratégique capable
d'acquérir l'information, la traiter, la visualiser, la
diffuser à la bonne personne et cela au moyen d'une
interface unique de recherche d'informations.
- Pour
une
troisième approche, les externalités de
connaissance jouent un rôle central, par leur croissance
massive, avec le caractère difficilement
contrôlable des connaissances codifiées,
manipulables comme de l'information.
Vérifions
nos connaissances
2-
Les différentes approches de la gestion des connaissances
Approche
technologique
La
gestion des connaissances est en général
"technocentrée", c'est-à-dire guidée
par la technologie. En effet, le système d'information de
l'entreprise est maintenant le lieu de toutes les
fonctionnalités liées à la gestion des
connaissances : accès à une mutlitude
d'informations par des moteurs de recherche sophistiqués
; capacité à gérer aussi
bien les données de l'entreprise que ses documents
techniques et métiers ; capacité de
présenter des synthèses des connaissances ainsi
représentées à l'aide d'une
classification de plus en plus riche et s'orientant vers le
"sémantique", c'est-à-dire la
possibilité de demander au système d'information
de "raisonner" sur les connaissances ainsi inscrites pour en
élaborer de nouvelles plus contextualisées par
rapport à la demande faite.
C'est ainsi que des systèmes d'aide à la
décision, de tableaux de bords, de simulation peuvent
grandement aider les acteurs de la connaissance dans l'entreprise.
La dématérialisation des échanges
(courriels, documents numériques, pages web, forum,
réseaux sociaux, etc.) augmente considérablement
l'information que l'on peut collecter "en contexte" pour "documenter"
une activité. La mise en place d'environnements
spécifiquement pensés pour soutenir le travail
collaboratif, on trouve encore plus de raison de considérer
que les connaissances "en action" sont inscrites dans les
échanges ainsi
dématérialisés.
Il est bien clair qu'il ne suffit pas d'avoir un ordinateur pour
devenir un "sujet connaissant" capable d'agir efficacement dans son
organisation. La formation aux métiers de l'entreprise se
fait par l'action elle-même, au contact direct
(compagnonnage, formation initiale, travail en équipe,
travail collectif, etc...) et ne saurait être
remplacée par la simple mise à disposition
d'inscriptions de connaissances sans "mode
d'interprétation". La constitution sociale de
l'économie de la connaissance commence par la constitution
sociale tout court.
Approche par capitalisation
La
capitalisation des connaissances est à prendre au double
sens de "préserver et garder" les inscriptions de
conaissances et de "valoriser" les connaissances comme "capital" de
l'entreprise sur lequel elle peut compter pour son
développement et son fonctionnement.
Préserver et garder consiste à choisir quelles
sont les connaissances cruciales pour l'entreprise et à
faire en sorte qu'elles soient gardées de manière
efficace. La valorisation de ces connaissances est une façon
d'en mesurer le caractère crucial. En effet, le fait de
pouvoir occuper une place de choix sur un secteur du marché
est lié au savoir faire de l'entreprise, à ses
capacités d'innnovation dans ce domaine, à ses
capacités à rester en pointe sur les
compétences nécessaires à ce type
d'activité. Il ne s'agit donc pas seulement de garder, mais
de savoir produire de nouvelles connaissances qu'il s'agira de
capitaliser de la même façon. Cette capitalisation
passe par la mise en place de mémoires d'entreprise, de
mémoire organisationnelle, de mémoire de projets,
etc.
La valorisation passe par une analyse du caractère critique
de telle ou telle connaissance à mettre en oeuvre
à tel ou tel moment des activités de l'entreprise.
On peut considérer comme le propose Jean-Louis Ermine que le
patrimoine de connaissances constitue un système
indépendant à part entière et c'est
l'analyse de l'entrepris qui permet de le découvrir pour le
rendre explicite dans un "livre de connaissances" de l'entreprise, ce
qui représente une méthode de
modélisation descendante. On doit aussi
considérer les processus de création des
connaissances permettant de capitaliser, il s'agira alors
plutôt d'une modélisation ascendante.
Approche
managériale
Il
s'agit de l'approche de synthèse, l'approche
considérant que les connaissances faisant partie des
éléments critiques pour l'entreprise, il faut les
gérer au sens propre du terme. Plus
précisément, lorsque l'on trouvera ce terme
d'approche managériale, il s'agira le plus souvent de la
gestion des compétences, domaine très
lié aux à la gestion des ressources humaines.
Cartographier les compétences de l'entreprise devient une
priorité pour les gestionnaires des ressources humaines. Les
compétences sont considérées comme des
ressources importantes qu'il faut pouvoir décrire avec
précision, qu'il faut pouvoir trouver, qu'il faut savoir
maintenir et développer. Il s'agit alors de mettre en place
des plans de formation, des organisations participatives, des projets
collectifs, assurant la persistance et l'accessibilité des
compétences, au bon moment, sous la bonne forme et au bon
endroit....
Il s'agit bien entendu de mettre à disposition les
compétences, mais aussi à les protéger
pour en faire profiter l'entreprise dans son propre
développement. Il y a donc une mise en place d'une politique
de la propriété industrielle, associant les
"inventeurs" et l'entreprise et fixant le cadre dans lequel les
savoir-faire sont accessibles et reproductibles par d'autres.
Vérifions
nos connaissances
©
Alain Mille
Décembre
2008