Nous empruntons la définition suivante à [Bachimont, 2004] :
« Une connaissance est la capacité d’exercer une action pour atteindre un but ».
Nous adoptons cette définition pour indiquer qu’une connaissance est le corrélat d’une action possible et qu’un objet n’existe que parce qu’il est possible d’agir sur lui, y compris par la pensée.
Nous gardons l'idée qu'une connaissance peut donner lieu à des inscriptions dans l'environnement pour permettre sa transmissionn, son partage, sa réutilisation.
Ceci est
particulièrement vrai
lorsque ces inscriptions sont formelles, au sein d'un environnement
informatique pour permettre de "représenter" les
capacités d'inférence liées
à ces connaissances.
Les connaissances peuvent ainsi
être inscrites de manière particulière,
on dit alors "représentées",
dans un
environnement si tant est que cet environnement dispose d'un
"interpréteur"
permettant de passer de ces inscriptions
à l'action dans le cadre d'un but bien défini. Il
s'agit alors de l'approche proposée par les techniques de
l'intelligence artificielle (voir module C217 de la emiage à
ce sujet). La représentation choisie respecte une "forme"
très précise permettant de démontrer
qu'une reformulation (transformation syntaxique valides de formules)
est équivalente à une démonstration
mathématique en logique. C'est le "moteur
d'inférence" qui réalise les reformulations et
constitue un "démonstrateur" de
théorème permettant de "dire le vrai à
partir du vrai".
Dans le cadre de connaissances représentées formellement et disposant d'un mécanisme d'interprétation automatique, nous nous situerons clairement dans le cadre de l'Ingénierie des connaissances.
Dans le cadre de connaissances représentées informellement et nécessitant une interprétation qui pourra dépendre de la personne la faisant, nous nous situerons clairement dans le cadre de la gestion des connaissances.
Les notions d'information, de données et de connaissances
La notion d'information a été fondée théoriquement par Shannon (voir aussi wikipedia à ce sujet) : une information délivrée diminue l'ensemble des possibles à venir (notion de probabilité conditionnelle et d'entropie). On a un bon exemple pour "sentir" cette notion lorsque l'on veut réaliser un questionnaire (un sondage d'opinion par exemple sur l'intérêt de faire un cours sur la gestion des connaissances sous forme d'enseignement à distance). Les conclusions possibles étant "intéressé ou pas intéressé", dans quel ordre poser les questions préparées ? Il est clair qu'il faudra poser en premier la question qui apportera le plus d'information sur les conclusions (pour éviter d'avoir un questionnaire long et inutile). Par exemple, on évitera comme première question "Allez-vous souvent au cinéma", qui n'apporterait pas beaucoup d'information et on préférera sans doute une question du genre "Considérez-vous l'enseignement à distance comme une modalité d'apprentissage appropriée pour votre situation ?" qui apporterait une information complète si la réponse était non...Comment dans ces conditions peut-on gérer des connaissances ? La réponse est multiple: puisque la connaissance nécessite d'une part une information et un agent interprétant capable d'agir car cette information fera sens pour lui, gérer les connaissances consistera d'une part à faire en sorte que les informations soient produites, gardées, disponibles, facilement accessibles aux agents interprétants "autorisés" et que les agents interprétants soient "formés", repérés et accessibles pour pouvoir interpréter ces informations et donc agir rationnellement en fonction d'un but clairement établi.
Il sera donc question d'ingénierie documentaire précisant comment organiser la documentation ou l'accès à la documentation sous une forme adaptée à la recherche de connaissances dans les documenst, d'ingénierie des données permettant d'accéder aux données sous forme pré-interprétée (indicateurs, tableaux de bord, etc.) mais aussi de formation des personnes, de guides d'utilisateur, d'organisation du travail facilitant la formation aux métiers, aux référentiels de l'entreprise, etc.
Puisque les connaissances sont liées à l'action et à la capacité de produire de nouvelles connaisances, on comprend bien toute l'importance qu'il y a d'une part à en faciliter le partage et la réutilisation dans le cadre d'une entreprise ou d'une institution dont il s'agira du capital le plus précieux sur lequel elle pourra s'appuyer pour continuer à progresser et à maintenair son leadership dans tel ou tel domaine. S'il s'agit bien d'un capital, il faut alors aussi savoir le protéger et l'on aboutit à une tension entre des efforts pour conserver, développer et partager ces connaissances à l'intérieur de l'entreprise et d'autre part les garder pour son développement propre et pour l'attractivité produite (les compétences, les savoir-faire sont là, gérés dans la continuité). L'inscription des connaissances se fait de plus en plus structurellement via le système d'information de l'entreprise et cette tendance est maintenant renforcée par la mise en place de mécanismes de recherche d'information sophistiqué que ce soit dans l'environnement public (internet) que privé (intranet).
L'ingénierie des connaissances consiste à orienter l'organisation et le système d'information autour de la notion de connaissances, c'est à dire autour de principes d'inférences (déduction, induction) permettant d'élaborer de nouvelles informations (ou de déclencher des actions) pouvant faire sens soit pour un mécanisme automatique (moteur d'inférence) soit pour un agent interprétant extérieur. L'ingénierie des connaissances va donc consister à mettre en place les procédures permettant de sélectionner les informations les plus "porteuses de sens", de les organiser autour de la sémantique qui leur a été associée a priori et d'associer des mécanismes d'interprétation automatique aux agents interprétant exploitant in fine le système ainsi développé. L'ingénierie des connaissances débouche sur une instrumentation technique permettant d'associer les inscriptions de connaissances sous une forme adaptée à des mécanismes d'interprétation prédéfinis (déduction ontologique, déduction anologique par exemple). Il y a alors une démarche non seulement documentaire mais explicitement associée à une "certaine manière" de faire du sens dans un but précis (conceptualisation, résolution de problème, diagnostic, planification).
General Problem Solver (GPS) | Systèmes experts (Mycin, Xcon) | Premières
approches structurées (Kads) |
Méthodologie systématique (CommonKads) |
1965 | 1975 | 1985 | 1995 |
Les températures
affichées par votre thermomètre
(température extérieure et température
à l'intérieur de votre logement) sont des
informations tant qu'elles ne permettent pas de décider
d'une action ou d'une autre. Si vous dites simplement à la
cantonade "il fait froid ce matin", vous donnez bien une information
(que vous transmettez simplement) et il est bien possible que les
autres haussent les épaules, si cette information ne fait
pas sens. Par contre, si l'un des habitants du logement
s'apprêtait à sortir en short, il y a des chances
que "ça fasse sens" pour lui. S'il "sait" quoi faire de
cette information, on pourra dire qu'il a la connaissance du
comportement à adopter quand on doit sortir et qu'il fait
froid...
"Il ne faut pas manger avec ses doigts à table" : ceci est bien une inscription de connaissance "sociale", valable dans nos contrées occidentales. Il faut noter, "qu'au pied de la lettre", on est bien obligé d'utiliser ses doigts pour tenir la fourchette ou le couteau. L'interprétation de cette inscription necessite pas mal de connaissances connexes préalables.
10 + 11 = 101 : c'est vrai en base 2, mais si on ne sait pas que l'on est en base 2, alors on se contentera de l'information portée par chacun des signes.
Si on a de la farine, des oeufs, du sucre, du beurre, de la levure, un moule à gateau, un four en état de marche alors il est possible de faire un quatre-quart. Il s'agit d'inscriptions de connaissances suffisantes pour un interprétant sachant déjà pas mal cuisiner. Il est toutefois possible de transmettre l'information à un cuisinier pour qu'il en fasse quelque chose.
Entraînez vous avec l'exercice suivant.
© Alain Mille Août 2008